Féminisme 1910-2010

Publié le par PCF AVEYRON

Maryse Dumas. Travail, un terrain de lutte décisif

Par Maryse Dumas, secrétaire confédérale de la CGT de 1995 à 2009
Tribune

La Journée internationale de lutte pour les droits des femmes a été décidée en 1910 par la Conférence internationale des femmes socialistes. Elle est devenue en 1921, sur proposition de Lénine, une journée fériée chômée, d’abord en URSS, puis, à partir de 1945, dans les pays de l’ancien bloc socialiste. Dans d’autres pays, et singulièrement en France, elle a donné lieu chaque année à de nombreuses initiatives et manifestations revendicatives mettant en avant les revendications des femmes et souvent les enjeux de la paix. Selon les organisations appelantes, les cibles étaient cependant différenciées  : appel aux valeurs familiales traditionnelles de la mère et de l’épouse en faveur de la paix pour les unes, revendications pour le droit au travail des femmes, pour qu’elles puissent mener de pair activité professionnelle et maternité, et solidarité internationale pour la CGT.

En 1982, François Mitterrand décide de la célébrer officiellement. C’est une reconnaissance de la portée de cette Journée sur une question devenue un sujet majeur de société. C’est aussi un moyen d’en affaiblir le contenu transformateur et de luttes. On rend ainsi hommage à la Femme (autant dire à « l’éternel féminin »). Le singulier, ainsi substitué au pluriel, sous-entend un vécu commun des femmes de toutes conditions. Or, si toutes les femmes sont en butte au sexisme, elles sont loin d’avoir toutes le même statut social. La démarche vise le consensus et l’effacement des contradictions sociales. Ce 8 mars 2010, la CGT veut mobiliser les salariés dans les entreprises pour obtenir les négociations visant à résorber les écarts de salaires entre les femmes et les hommes. La loi prévoit une obligation de résultat avant la fin 2010, c’est l’occasion ou jamais de s’en saisir. Elle appelle également à participer aux manifestations organisées par la Marche mondiale des femmes, elle organise une conférence-débat sur le centenaire de la Journée internationale de lutte pour les droits des femmes, et de multiples débats dans les entreprises et les localités. La CGT poursuit ainsi son long combat historique.

La question de l’émancipation des femmes, de leur pleine égalité dans tous les domaines de la vie, fait appel à une multiplicité d’enjeux, de propositions, d’initiatives dont, naturellement, l’action syndicale n’est qu’une composante. Il serait cependant désastreux de la minorer ou de l’ignorer. La place des femmes au travail est décisive pour faire évoluer leur reconnaissance dans la famille et la société  ; bien avant de l’obtenir au plan politique, les travailleuses ont obtenu le droit de vote dans les élections professionnelles. Leur arrivée massive dans le travail salarié leur a permis une indépendance financière qui les a rendues exigeantes quant à leur autonomie, et à leur liberté. Cela a bouleversé les rapports de couple et, dans la famille, les relations entre les deux parents et leurs enfants. C’est dans le même mouvement, et par leurs luttes solidaires, qu’ont pu avancer toutes les questions liées à la pleine maîtrise de leur corps (dépénalisation de la contraception, puis de l’IVG, reconnaissance du viol comme un crime). A contrario, le développement du chômage, de la précarité, du temps partiel imposé, qui fragilise considérablement le travail féminin, comporte le risque de reculs importants, sur les mêmes sujets.

Le féminisme n’est pas une affaire de femmes. Pour transformer la société, il faut changer radicalement les rapports sociaux de classe et aussi les rapports sociaux de sexe qui la caractérisent. Les deux batailles doivent se mener de front, de manière à la fois parallèle et spécifique. Dans les années 1970, le débat était  : « Peut-on être féministe dans une organisation mixte  ? » Celui d’aujourd’hui est  : « Peut-on être féministe sans vouloir changer la société  ? Peut-on changer véritablement la société sans féminisme  ? »

Si la CGT n’a pas le monopole de cette double dimension de son combat, elle s’enorgueillit d’avoir su, tout au long de ces cent ans, batailler ferme pour faire prévaloir son orientation syndicale sur un double front  : d’un côté, vis-à-vis d’un mouvement ouvrier majoritairement masculin qui considérait la bataille pour l’émancipation des femmes comme seconde et subalterne à celle pour la transformation sociale  ; de l’autre, vis-à-vis de certaines féministes ignorantes, voire méprisantes à l’égard des luttes des femmes salariées.

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Publié dans TRIBUNE LIBRE

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